Saviez-vous qui se cache derrière les grandes peintures de la fresque de l’église Notre Dame à Roquefort ?
Voici une copie d’un article de Libération publié il y a quelques années sur le personnage – vous trouverez aussi quelques informations sur sa page wikipedia et des oeuvres sur Google (il/elle était surtout sculpteur). C’était une amie du curé le père Thomasson à l’époque.
ANTON PRINNER, ENTRE MYSTÈRE ET ÉSOTÉRISME
Par Florence La Bruyère— 7 mai 2007 à 07:36
Son ami Picasso l’appelait le «petit pivert». Du haut de son 1,50 mètre, le frêle Anton Prinner s’attaquait à des troncs d’arbres dans lesquels il sculptait des statues de cinq mètres de haut. Mais Prinner, né à Budapest en 1902, émigré en France en 1926, était aussi peintre, dessinateur, graveur et tailleur sur pierre, comme en témoigne une exposition du musée Ernst de Budapest, première rétrospective en Hongrie de cet artiste excentrique… qui était en fait une femme.
Machisme. A son arrivée en France, Prinner se nomme encore Anna et porte de longues nattes. Puis il se fait appeler Anton et s’habille dès lors en homme, coiffant un immuable béret et fumant la pipe. Picasso le salue souvent d’un «Monsieur Madame». D’où vint la métamorphose, de la volonté d’échapper au machisme régnant dans les milieux artistiques, ou d’un désir plus profond ? Le mystère reste entier mais «le thème de la gémellité et de la double identité se retrouve dans toute son oeuvre», juge Júlia Cserba, commissaire de l’exposition du musée Ernst de Budapest. Pour l’occasion, 130 oeuvres viennent de France, prêtées par le musée de l’abbaye Sainte-Croix des Sables-d’Olonne où a eu lieu une grande exposition Prinner en 2006 , par la Bibliothèque nationale de France et par des galeries et collectionneurs français.
Jusqu’en 1937, Prinner est constructiviste. Pièce maîtresse de cette esthétique abstraite,l’oeil ou la Cible assemble des cercles de bois et de métal dans un chaos harmonieux. Le compositeur français Pierre Csillag s’en est inspiré pour écrire, à la demande du musée hongrois, une oeuvre vocale interprétée lors de l’inauguration, et à laquelle Judit Rajk a prêté sa voix d’alto pure et ciselée.
Puis, alors que la mode est au constructivisme, Prinner s’en écarte. L’argent ne l’intéresse pas, il peint et s’initie à la sculpture avec la Femme pharaon à la silhouette androgyne. Survient la Seconde Guerre mondiale, qui l’angoisse tant qu’il abandonne burin et pinceau. De cette période date une série de dessins à l’encre de Chine où se mêlent cauchemar et érotisme. Images surréalisantes et expressionnistes de corps nus se tordant de douleur, tandis que d’autres nus mâles exposent leur sensualité.
Après la guerre, Prinner, qui s’est découvert une passion pour la civilisation égyptienne, explore le symbolisme et l’ésotérisme des Anciens. Sa Femme au coq, taillée dans le granit, exprime la fusion de la douceur et de la force, tout comme un bouddha féminin, les mains posées sur un ventre de future mère. La quête du sacré apparaît aussi dans ses eaux-fortes, tant dans le Livre des morts des anciens Egyptiens, qui deviendra un ouvrage fétiche des occultistes, que dans la Bible ésotérique et poétique ; certaines pages sont réalisées en «papyrogravure», un procédé qu’il invente pour remplacer l’onéreuse plaque de cuivre par du carton. Il y appose sa «signature cosmique»,deux triangles opposés.
Farfadet. Dans son atelier de Vallauris, où il s’installe en 1950, il fait de la céramique, sculpte beaucoup, notamment d’immenses statues, sortes de divinités ésotériques et protectrices auprès desquelles il ressemble à un farfadet. Exploité par le propriétaire de son atelier, pillé par d’autres, Prinner finira par abandonner la sculpture. «Je veux faire des choses qui ne plaisent à personne pour éviter qu’on ne me vole», écrit-il dans son autobiographie.
Il se remet alors à peindre, signe un lumineux autoportrait où ses yeux noirs malicieux suivent le visiteur, quel que soit l’endroit où il se place. Artiste étrange et à contre-courant des modes, Prinner s’éteint dans la misère en 1983, emportant son secret dans la tombe.