Il est possible que vous n’ayez jamais entendu parler de Nicolaï Ivanovitch Boukharine, rassurez-vous, c’était aussi mon cas jusqu’à ce que je lise cette histoire absolument savoureuse le concernant … enfin savoureuse pour nous les croyants, lui, il n’a pas dû la trouver si savoureuse que ça quand il a vécu l’événement en direct ! Je mets fin au suspens, Nicolaï Ivanovitch Boukharine était l’un des chefs les plus influents du parti communiste russe jusqu’à ce qu’il tombe en disgrâce comme tant d’autres avant lui et que Staline programme son arrestation puis son exécution en 1938. C’est lui qui éditait le fameux journal « La Pravda » dont le nom, tenez-vous bien, signifie « la vérité. » Par ce journal, il était donc chargé de faire en sorte que la propagande, la vérité du parti, se diffuse dans tout le pays et particulièrement la propagande athée.
En 1930, il a voulu vérifier si la nouvelle vérité, la nouvelle religion de l’athéïsme s’était suffisamment implantée dans le pays. Il organisa donc un très grand rassemblement à Kiev comme les soviétiques savaient les organiser en laissant le choix entre la participation au rassemblement et le Goulag ! Une foule considérable était là et Boukharine est monté sur le podium pour prononcer un discours fleuve qui avait pour but de ridiculiser la foi chrétienne et de démontrer la vérité et les bienfaits de l’athéïsme. Son discours a été tellement brillant qu’il a été applaudi de manière sincère par les participants. Boukharine était sûr d’avoir emporté la partie, enfin son peuple sortait de l’obscurantisme. Grand Seigneur, il proposa que si un penseur voulait lui apporter la contradiction, il lui laissait le micro et le laisserait s’exprimer librement. Il était sûr qu’après sa brillante démonstration personne n’oserait le faire. Mais voilà qu’un homme sans prestige lève la main et monte sur l’estrade, il prend le micro et adresse ces simples mots : « Christ est ressuscité ! » toute la foule comme un seul homme répond : « Il est vraiment ressuscité ! »
Pauvre Boukharine ! Il a suffi de 3 mots pour que s’écroule sa longue démonstration, et ces 3 mots, prononcés ce jour-là, ont peut-être été le début de la fin de cette monstrueuse machination qui avait eu pour but de chasser définitivement Dieu de la société sous prétexte qu’il était à l’origine de tous les malheurs de nos sociétés et que, enfin libérés de cette tutelle insupportable, les hommes pourraient construire la société sans classe, instaurer le paradis sur terre, ce paradis que Dieu avait confisqué et que les dirigeants soviétiques voulaient réinstaller sur terre. On sait ce qu’il en a été, au lieu du paradis, c’est l’enfer qui s’est implanté. Et la société sans classe n’est jamais arrivée parce que ceux qui voulaient l’instaurer se réservaient des privilèges exorbitants. Ce vaste empire du mensonge a donc commencé à être ébranlé par ces 3 petits mots prononcés sur une estrade à Kiev par un témoin anonyme : « Christ est ressuscité ! » Plus tard, un autre témoin, beaucoup moins anonyme, devant une très grande foule réunie, non plus à Kiev mais à Rome, explicitera la puissance que ces 3 mots contiennent en eux : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! Et lui seul le sait ! »
Comme nous pouvons le constater l’annonce de la résurrection du Christ contient en elle-même la puissance de la dynamite. Cette annonce a dynamité un système qui semblait indéboulonnable et qui n’hésitait pas à supprimer tous ceux qui se dressaient sur son chemin, faisant plusieurs dizaines de millions de morts. Et voilà que le système indéboulonnable tant il semblait bien verrouillé a commencé à être ébranlé par ces 3 mots : « Christ est ressuscité ! » Et le plus grand miracle, c’est qu’il s’effondrera sans aucune effusion de sang prouvant bien que la puissance de la résurrection est une puissance de vie et non de destruction. La haine avait été clouée sur la croix, sa défaite était programmée.
« Christ est ressuscité ! » … attendre la réponse ! Ainsi donc vous y croyez, vous aussi ! Eh bien, allons jusqu’au bout ! Croyons que l’annonce de la résurrection n’a rien perdu de sa puissance, proclamer ces 3 petits mots, c’est comme lancer un bâton de dynamite capable d’ébranler toutes les constructions que les hommes cherchent à faire d’un monde sans Dieu. Mais attention, vous l’avez bien compris, ce sont des bâtons de dynamite d’amour, nous ne partons pas en guerre. Mais il est urgent d’ébranler cette construction d’un monde sans Dieu que les hommes s’acharnent à reprendre, certes de manière moins agressive que les soviétiques, mais le résultat est là. Et la crise sanitaire que nous vivons le révèle bien. Un monde sans Dieu est un monde qui ne peut que générer de l’angoisse, dès qu’un problème surgit, c’est la fin du monde, tout s’écroule ! Et nous voyons bien que ce qu’avait annoncé Maurice Zundel en des termes chocs se révèle une question extrêmement pertinente : « Le vrai problème n’est pas de savoir si nous serons vivants après la mort, mais si nous serons vivants avant la mort. » C’est une belle interpellation qu’il nous faut recueillir et c’est là que, nous chrétiens, pouvons apporter notre grain de sel. Et c’est là que la résurrection du Christ vient ouvrir de nouveaux horizons à tous ceux qui veulent devenir d’authentiques vivants avant leur mort et le rester après leur mort.
Nous devons le redire sans complexe et, au-delà des paroles, en témoigner par notre vie : un monde sans Dieu, c’est un monde dans lequel on finit par étouffer parce que l’homme n’a pas été créé pour consommer. Chacun porte en lui une immense soif d’aimer, d’être aimé, on le voit bien d’ailleurs dans cette crise, ce qui fait le plus souffrir, c’est de ne pas pouvoir serrer dans ses bras ceux qu’on aime. Ça c’est bien plus dramatique que la fermeture des cinés, des restaus et des villages de marques ! La résurrection du Christ vient trouer le plafond que notre monde est en train de rabaisser de plus, en plus au fur et à mesure qu’il évacue Dieu, rendant ainsi l’atmosphère de plus en plus irrespirable. C’est le philosophe Régis Debray qui n’est pourtant pas un Père de l’Eglise qui a écrit cette phrase étonnante : « Je vous préviens si vous ne faites pas un trou dans le plafond, vous allez asphyxier. Peu importe ce que vous y mettez, ce qui compte, c’est la bouche d’air. Vous n’échapperez pas à la verticale. » Eh bien la résurrection de Jésus, elle vient trouer le plafond, ouvrir une brèche, apporter de l’air. « Christ est ressuscité ! » Comme à Kiev, ces 3 petits mots peuvent ouvrir un avenir nouveau. La pierre est roulée, la mort est vaincue, la haine a été crucifiée. Hier soir le père Renaud citait ces paroles du pape François qui disait qu’avec la résurrection du Christ, la mort était derrière nous et que nous marchions vers la vie. S’il nous semble que les questions liées à l’au-delà préoccupent moins, la question de savoir s’il y a une vie avant la mort préoccupe plus, alors n’hésitons pas à lancer partout où nous vivons ce bâton de dynamite d’amour contenu dans ces 3 petits mots : « Christ est ressuscité ! »
Mais voilà, le drame c’est que, pour beaucoup trop de chrétiens, comme le disait le père Cantalamessa, Jésus est plus un personnage qu’une personne. Il est plus un personnage du passé qu’une personne vivante avec qui on veut être en relation parce qu’elle nous fait vivre. Et vous savez quand on est classé dans la catégorie « personnage du passé », on finit tôt ou tard dans la catégorie « personnage dépassé à déboulonner ! » Quand Jésus est survenu dans l’histoire de l’humanité, on s’est mis à compter les années avant et après sa naissance parce qu’il, a apporté quelque chose de tellement nouveau que rien ne serait jamais plus comme avant. Il a troué le plafond, il est venu pour que les hommes ne s’asphyxient plus. Ne parlons donc plus jamais de Jésus comme d’un illustre personnage du passé. Ne vivons plus comme si Jésus n’était pas sans cesse à nos côtés pour nous tenir la main et nous encourager, ce serait refermer le trou, rabaisser à nouveau le plafond et replonger l’humanité dans l’asphyxie. Rien ne sera jamais plus comme avant : « Christ est ressuscité ! »
Père Roger HÉBERT
Foyer de Charité de Tressaint